Les explications d’Adrian Schmid, responsable d’eHealth Suisse, la structure qui coordonne la stratégie de cybersanté de la Confédération et des cantons.

On y est presque. Fin juin, le parlement a ratifié la Loi sur le dossier électronique du patient (LDEIP) et la Confédération budgète 30 millions de francs pour sa mise en œuvre. A partir de 2017, les prestataires de soins (médecins, pharmaciens, services de soins à domicile) pourront donc renseigner un dossier électronique commun, chacun d’entre eux ayant accès aux informations déposées. On y trouvera par exemple la médication du patient, des résultats d’analyses, d’examens ou de consultations spécialisées.

Pour le patient, le dossier sera facultatif, mais les hôpitaux et les EMS devront offrir cette possibilité d’ici trois et cinq ans, respectivement. Pas d’obligation par contre pour le secteur ambulatoire, les médecins installés et les pharmaciens, mais les bénéfices en termes d’information et de communication devraient les convaincre de rejoindre le mouvement. Les explications d’Adrian Schmid, responsable d’eHealth Suisse, la structure qui coordonne la stratégie de cybersanté de la Confédération et des cantons.

Quel principe premier guide le futur dossier électronique?

Adrian Schmid: C’est un dossier pour le patient. Aujourd’hui, en tant que patient, je ne peux pas donner aisément accès aux informations médicales importantes qui me concernent: elles sont dispersées entre les cabinets, les hôpitaux et mon domicile, et parfois sont même perdues.

Il faut donc un «point de communication» informatique où tous les prestataires de soins pourront stocker les informations pertinentes pour les autres prestataires. Cela permettra une augmentation de la qualité et de la sécurité des soins.

A l’heure actuelle, ces informations sont déjà échangées entre les partenaires. Le dossier électronique ne fait qu’établir un nouveau chemin pour cette communication. Au départ, on intégrera au dossier électronique des documents PDF qui correspondent à ce que l’on envoie aujourd’hui par fax.

Légalement, où en est-on?

Il y a encore du travail puisqu’il faut rédiger les ordonnances, mais la loi devrait entrer en vigueur dans le courant 2017. Le vote quasi unanime aux chambres –seulement 5 non au National– est cependant un signal fort donné par les parlementaires.

Comment garantira-t-on la sécurité de ces données?

Il faut bien entendu interdire leur accès à des personnes malveillantes et protéger cette infrastructure, comme on protège par exemple l’e-banking. Par ailleurs, c’est le patient qui décide qui a accès à son dossier. Et il ne peut s’agir que de prestataires de soins et de pharmaciens, ni d’un assureur, ni d’un employeur.

Où se trouvent ces informations?

Il s’agit d’un stockage décentralisé dans les «communautés». Au sens de la loi, les communautés sont des regroupements de prestataires qui s’organisent pour fournir un service de dossier électronique. C’est la communauté qui établit une infrastructure où sont conservées des copies des informations médicales du patient. S’il s’agit de fichiers très lourds, comme par exemple des informations de radiologie, il y aura la possibilité de placer un lien qui permette d’y accéder sur les serveurs de l’hôpital.

Ces communautés qui regroupent les prestataires, combien seront-elles?

On l’ignore, elles peuvent être quinze comme cinquante. Chaque communauté s’organisera à sa guise à l’interne mais toutes devront passer un examen de certification pour pouvoir échanger des informations avec d’autres communautés. Le message d’eHealth Suisse c’est qu’il faut, dans chaque canton, au moins une communauté à laquelle tous les prestataires et tous les patients puissent se connecter.

Mais leurs solutions différeront-elles beaucoup?

Sur un plan technique, elles répondront aux mêmes exigences et suivront les mêmes standards. Mais les différentes régions, par exemple Genève et Appenzell, n’ont ni la même culture, ni la même structure, ni les mêmes besoins. Donc la mise en œuvre variera. Par exemple, le lien entre l’hôpital et les soins à domicile prend différentes formes suivant les cantons. De même, nous ne pouvons pas décréter la forme que devrait prendre une lettre de sortie dans le détail.

Quant aux cantons, leur mise en œuvre du dossier électronique variera-t-elle également?

A nouveau, techniquement, il n’y aura pas de différence. Mais l’organisation et le financement peuvent varier. Par exemple, les hôpitaux doivent-ils jouer un rôle central? Ou au contraire veut-on créer une nouvelle organisation pour piloter les projets de dossier électronique?

Là aussi, il y a des différences culturelles. Les cantons romands, Vaud, Valais, Genève, lancent des projets où l’Etat a un rôle moteur. A l’opposé, il y a des cantons alémaniques qui se proposent de contribuer au financement des projets mais qui attendent que les prestataires se profilent. Cela dépend aussi des bases légales cantonales : peut-on financer l’établissement de communautés? Peut-on soutenir leur exploitation ou doivent-elles au contraire être économiquement indépendantes? Les cantons doivent réfléchir et s’organiser.

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«CELA PEUT ÊTRE UN TOUT PETIT PAS»

Dans un cabinet, quel changement représentera l’introduction du dossier électronique?

A. S.: Cela dépend du degré d’informatisation du cabinet. Nous sommes conscients que le dossier sera aussi utilisé par des médecins plus âgés qui n’ont pas l’habitude de travailler avec l’ordinateur. Mais nous espérons que les praticiens mesureront le bénéfice de l’accès aux informations les plus actuelles concernant leurs patients.

S’attend-on à ce que le dossier électronique permette une réduction des coûts de la santé?

Honnêtement, non, ce n’est pas lui qui va faire baisser les primes d’assurance. Nos buts sont l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins pour les patients et un gain d’efficience pour les prestataires de soins.