Entretien avec Antoine Geissbuhler, médecin-chef du Service de cybersanté télémédecine des HUG, et Helena Bornet dit Vorgeat, cheffe de projet au Centre de l’innovation (HUG).

A quoi va ressembler l’hôpital de demain?

Helena Bornet dit Vorgeat (HB) – Pour beaucoup de patients, aller à l’hôpital reste quelque chose d’assez anxiogène. Notre projet d’hôpital du futur consiste à repenser l’environnement des chambres hospitalières, afin qu’elles rappellent le confort de la maison. En camouflant au maximum le matériel médical et en jouant avec la lumière, nous essayons de construire une atmosphère rassurante et bienveillante.

Pr Antoine Geissbuhler (AG) – Si on réfléchit en termes de médecine centrée sur les besoins du patient, l’hôpital devrait perdre quelques- uns de ses murs. Une vraie réflexion stratégique est nécessaire, car il devient possible de projeter les services hospitaliers au domicile du patient. Grâce aux progrès technologiques, de plus en plus de soins pourront être mis en place directement chez le patient. La visiophonie, la domotique et les capteurs intelligents pourraient permettre le suivi rapproché de patients fragiles et éviter certaines hospitalisations ainsi que les risques de complications qui y sont associés.

Comment éviter que le patient se sente isolé s’il est hospitalisé chez lui?

HB – Il existe déjà de nombreux outils, comme par exemple des robots conversationnels ou des miroirs interactifs, qui permettent d’avoir des communications régulières. Nous ne sommes pas là pour dire que c’est la solution, mais nous souhaitons interroger ces concepts.

Face aux progrès de la technologie, comment continuer à donner une place centrale au patient et ses proches?

HB – Il est important que le patient soit informé et ait accès aux données qui le concernent. Grâce à la technologie, il devrait pouvoir consulter ses données médicales et les informations en lien avec son hospitalisation. Aux HUG par exemple, l’application pour tablette Concerto lui permet déjà de participer à l’organisation de ses activités au sein de l’hôpital et devenir ainsi acteur de sa prise en charge. Notre réflexion vise aussi à améliorer la collaboration entre le patient, le proche aidant et le soignant. Il faut repenser l’hôpital comme un lieu de vie social et d’échanges. En pédiatrie par exemple, des lits de camp pour la famille sont installés dans les chambres. Cela ne serait-il pas souhaitable aussi dans les autres services médicaux?

Qu’est-ce que ces technologies vont changer pour le personnel soignant?

AG – Nous avons affaire à de nouveaux moyens de communication, qui nécessitent une adaptation des processus et des mentalités. Cela passe déjà simplement par le fait de ne pas avoir à répondre à son téléphone portable pendant une consultation, qui devrait être un moment protégé. Je pense qu’il est nécessaire de réfléchir concrètement au maintien d’une relation humaine privilégiée, malgré – ou grâce – aux progrès technologiques.

Comment maîtriser les coûts que ces changements risquent d’engendrer?

AG – Ce type d’approche est probablement plus économique que ce qui se fait aujourd’hui. Nous savons que les coûts de quelques jours d’hospitalisation correspondent à environ un mois de prise en charge à domicile. La technologie devrait donc permettre d’amener plus d’expertise chez le patient et ainsi éviter certains séjours à l’hôpital. Il faut aussi intelligemment impliquer tout le cercle du patient, y compris les proches aidants. Nous devons valoriser ces forces qui sont à disposition, mais souvent mal intégrées au processus de soin.