« Je savais que la possibilité de prendre rendez-vous en ligne était très appréciée par les patients, mais j’ai longtemps hésité à faire le pas », reconnaît le Dr Jean Gabriel Jeannot. Aujourd’hui, il semble définitivement convaincu par leur feedback, qui est très positif. Pour les patients, l’intérêt est en effet assez évident: avec une plateforme de rendez-vous en ligne, plus besoin d’attendre qu’une assistante réponde au téléphone. Il n’y a même plus besoin d’appeler pendant les heures de bureau, quand on n’en a justement pas le temps. On peut fixer un rendez-vous n’importe quand, depuis n’importe où, comme on en a l’habitude dans une société hyperconnectée. « L’accès aux soins étant une faiblesse de notre système de santé, cette solution constitue une piste intéressante », estime Jean Gabriel Jeannot.

« Un autre avantage auquel on ne pense pas de prime abord, c’est que le patient qui se connecte à la plateforme peut voir toutes les plages disponibles, et pas seulement celles qui sont gérées par l’assistante médicale. Personnellement, j’ai scindé la journée en deux pour mettre notamment les urgences dans l’après-midi, et les patients peuvent le voir, ce qui est bien. De plus, un champ leur permet d’indiquer la raison pour laquelle ils souhaitent consulter. Je peux donc le savoir à l’avance et c’est une bonne chose. » En revanche, on pourrait peut-être craindre que les patients soient plus facilement enclins à annuler. Mais les expériences faites jusqu’ici en Suisse comme à l’étranger ne confirment pas cette appréhension. Probablement parce que ces plateformes proposent un verrou de sécurité sous la forme d’un mail de confirmation, suivi d’un SMS de rappel 24 heures avant la consultation.

Pourtant, il semble que les médecins aient encore des réticences. Ainsi, des sondages effectués à l’étranger montrent que si la prise de rendez-vous est l’application liée à la télémédecine qui suscite le plus d’enthousiasme chez les patients, avec plus de 70 % des sondés se déclarant favorables, l’accueil est plus réservé du côté des praticiens. Les chercheurs concluent que les patients sont peut-être plus en avance que les médecins dans l’utilisation des nouveaux moyens de communication. « C’est intéressant, parce que les professionnels de la santé ont tendance à penser que ce sont l’intelligence artificielle et le big data, en particulier le développement de la médecine personnalisée, qui sont les plus susceptibles de répondre aux attentes des patients, alors que les patients, eux, sont beaucoup plus pragmatiques, ils veulent pouvoir prendre rendez-vous en ligne. Significativement, quand j’ai informé certains collègues que j’étais passé à ce système, les réactions ont été plutôt négatives: "cela ne fonctionnera pas", "il faut que ce soit l'assistante qui réponde", etc. Je pense que c'est une simple question de méconnaissance. Dans le canton de Neuchâtel, nous ne sommes sans doute encore que quelques médecins à avoir adopté ce système, alors que plusieurs grands centres médicaux l'ont déjà fait. L'explication est à mon avis très simple: les administrateurs ont pu vérifier que cela permettait de faciliter l'accès aux soins. »
 

Des évaluations nécessaires

Il y a tout de même quelques potentiels inconvénients qui méritent d’être pris en considération. « Tout d’abord, ces systèmes ont un coût, mais l’investissement est très rapidement rentabilisé, ne serait-ce que par la diminution des rendez-vous oubliés par les patients. » Ensuite, il se peut que certaines personnes qui ne sont pas suivies en consultation s’inscrivent, alors qu’on n’accepte plus de nouveaux patients. « Dans ce cas, il faut les appeler pour le leur dire. Quant au risque que des gens prennent plus facilement rendez-vous pour des cas bagatelles, je le considère comme limité. Finalement, le seul bémol que je vois, c’est qu’il n’existe pas de comparatif permettant au médecin intéressé à adopter cette solution de choisir en toute connaissance de cause entre les différentes plateformes existantes. Aucune évaluation n’a été faite, ni par les sociétés cantonales ni par la Société suisse d’informatique médicale. »

Dans le futur, on assistera peut-être à la transformation de ces plateformes en un service modulable qui répondra aux divers besoins des patients. Jean Gabriel Jeannot entrevoit un premier niveau pour les situations bénignes, avec des informations sur les possibilités de se prendre en charge soi-même adéquatement. Le second niveau pourrait permettre de prendre rendez-vous, soit chez son médecin habituel, soit chez un médecin d’urgence, avec la double option consultation présentielle ou téléconsultation.