Dans ce pays où les coûts de la santé approchent la barre des 70 milliards de francs suisses, et à l’heure des grandes discussions autour du financement de notre système de santé (valeur du point Tarmed, prix de base des DRG, financement étatique des soins en cliniques privées), il me semble totalement justifié de s’interroger sur le côté businessman du médecin. Le terme businesswoman serait d’ailleurs encore plus approprié si l’on regarde les auditoires de nos facultés.

Au fond, qu’attend-on vraiment d’un médecin? Les Canadiens se sont penchés sur la question. En 2005, à travers le CanMeds framework, ils ont établi un ensemble de connaissances, de compétences et d’habilités attendues d’un médecin . Parmi les sept rôles ainsi définis, on retrouve celui de manager (qui devrait être remplacé par leader dans la version 2015 en cours d’élaboration) auquel on attribue la responsabilité de «répartir judicieusement des ressources en soins de santé limitées». On retrouve également dans ce rôle une multitude d’autres notions comme healthcare financing, budgeting, effectiveness, efficience et cost-appropriate care. Des compétences relevant clairement du domaine de l’homme d’affaires.

Mais qu’en est-il dans la pratique? La communauté médicale voit se développer de plus en plus des aspects économiques: des formations en économie et gestion de la santé fleurissent dans de nombreux pays, les études de coûtsefficacité deviennent de plus en plus fréquentes et de mieux en mieux structurées. De même, des initiatives dans le but de rationaliser (et non de rationner) les soins voient le jour comme le principe less is more qui a pour but de chasser les pratiques inutiles et coûteuses.

Une lente – et encore cela se discute – mais certaine révolution est donc en route. La médecine du XIXe siècle fonctionnait sur le principe de l’avis d’expert: un traitement était considéré efficace parce qu’un médecin d’assez bonne renommée le déclarait comme tel (Expert-Based Medicine). Le XXe siècle a vu naître les études cliniques de toutes formes et la médecine basée sur les preuves (Evidence-Based Medicine). Le XXIe siècle permettra très probablement à un nouveau type d’EBM de voir le jour: l’Economic-Based Medicine! Les médecins devront avoir les compétences nécessaires non seulement pour s’adapter à cette révolution mais surtout pour la diriger et rester maîtres de leur profession.