Un ciel radieux s’encadre dans la fenêtre, derrière le bureau d’Ingrid Bidlingmeyer, interniste. Nous sommes à Neuchâtel, à deux pas du lac, dans le cabinet qu’elle partage avec son mari, interniste lui aussi. Pour le Monde du Médecin, elle a accepté de tester Dragon Medical, un logiciel de reconnaissance vocale pour dicter ses documents.

Nous discutons pendant que Billy Vuilleumier, de PWS Cardinaux, l’un des distributeurs du logiciel, prépare l’installation de Dragon Medical sur l’ordinateur. Les textes que rédige la médecin représentent une «grosse part de [son] travail», principalement des lettres adressées à ses confrères et des rapports pour les assurances de base et invalidité. Actuellement, ces documents sont écrits par l’interniste elle-même ou dictés à la secrétaire du cabinet. Le gain que permettrait la reconnaissance vocale? Passer moins de temps derrière son clavier et libérer du temps aux secrétaires qui se partagent un 110% de temps de travail.

Galop d’essai

Le logiciel est installé. La société y adjoint un dictaphone numérique utilisé comme micro. Parce que «les médecins sont habitués à dicter avec quelque chose en main», sourit Vincenzo Chillé, account manager chez PWS Cardinaux. L’installation s’est faite en moins de cinq minutes, l’ordinateur satisfaisant les prérequis (un PC avec Windows, un processeur Intel Core 2 Duo ou i5, et 4 Go de mémoire vive au minimum). Les représentants comptent généralement une heure pour l’installation et la prise en main du logiciel avec le médecin.

Dragon démarre. Test du micro? Ça fonctionne. Il est temps d’enregistrer la signature vocale de la Dresse Bidlingmeyer. Comme un téléprompteur, le logiciel affiche un texte qu’elle doit lire. Il s’en sert pour créer un profil des caractéristiques de sa voix. La médecin lit le texte, et celui-ci s’affiche au fur et à mesure. D’écran en écran, la dictée devient plus aisée, tout ce processus de personnalisation ne prenant que quelques minutes. Etape suivante: faire «lire» une demi-douzaine de documents déjà rédigés au logiciel. Il propose alors d’enregistrer la prononciation des mots qu’il n’a pas reconnus, des noms propres ou des abréviations personnelles.

Un dictionnaire de spécialiste

Première dictée originale avec Dragon. Elle est rédigée dans Word, mais la reconnaissance vocale est possible quel que soit le programme, partout où l’on peut entrer du texte dans le système. La Dresse compose une lettre à un collègue. Nous sommes en conditions réelles, le contenu du courrier s’invente donc à mesure qu’il est dit. La dictée est moins fluide que dans le texte de personnalisation, évidemment, mais déjà la médecin prend le pli: arrêter le micro pour réfléchir à la suite de ce que l’on veut dire ; dire «nouveau paragraphe» ou «à la ligne» ; ou encore apprivoiser la commande qui efface les derniers mots transcrits.

A ce stade initial, le résultat est déjà impressionnant. La dictée est presque toujours exacte, le sentiment de voir le texte apparaître à l’écran est naturel, comme quand on entre des mots au clavier. Tout juste ajoutet- on au dictionnaire de Dragon une abréviation comme «ttt» ou le nom d’un collègue. Le logiciel ne recule d’ailleurs pas devant les termes médicaux, c’est la grande force de sa version «Medical»: son dictionnaire de termes techniques extrêmement large permet de l’utiliser quelle que soit sa spécialité.

Après dix jours d’utilisation, Ingrid Bidlingmeyer livre son diagnostic: le test est concluant. Deux nouveaux usages de la reconnaissance vocale se sont ajoutés à la correspondance: la dictée de mails dans Outlook et surtout la tenue des dossiers. «Pendant la consultation, je m’efforce de taper le moins possible et ne prends que quelques notes, explique l’interniste. Dicter les éléments manquants juste après le départ du patient me permet d’aller très vite.» Demeure cependant une interrogation sur la version du logiciel à adopter : «En tant que généraliste, peut-être n’auraisje pas besoin du dictionnaire médical (quitte à entrer soi-même le vocabulaire spécifique de sa spécialité, ndlr). Il est par contre sans doute utile aux branches plus techniques comme la chirurgie ou la radiologie.»

Soupçon de patience

Recommanderait-elle le produit ? «Oui, sa qualité est bluffante et nombre de mes collègues en auraient l’utilité. Mais il ne faut pas avoir peur d’apprivoiser un programme ni de passer un peu de temps à peaufiner des détails. Autrement dit, certains médecins que je connais n’auraient jamais la patience d’ajouter un seul mot! Etant donné son prix, je suggère donc de demander une démonstration pour déterminer si le logiciel convient à votre manière de dicter.»

 

CHRISTOPHER PFAFF

Psychiatre et psychogériatre à Villeneuve

«J’utilise le logiciel Dragon au quotidien. En psychiatrie, nous avons pas mal de “paperasse” à faire et les rapports sont longs et détaillés. Tout outil qui permette d’accélérer ces tâches est utile. Dragon demande un peu d’entraînement mais, après une soixantaine de documents, la fidélité de la dictée augmente énormément, de même que diminue le temps de correction. Malgré tout, j’ai davantage d’éléments à corriger avec ce système que si la lettre avait été dactylographiée par un tiers. Dragon est une alternative bon marché par rapport à l’emploi d’une secrétaire. Pour ma part, il est confortable puisque je travaille seul dans mon cabinet. Mais si je pouvais engager une telle personne ou que je travaillais dans un cabinet de groupe, je préférerais dicter à une secrétaire.»

 

COMBIEN CA COÛTE?

1404.–

une licence pour Dragon Medical pour un usager.

190.–

plus déplacement suivant la région: installation du logiciel au cabinet par PWS Cardinaux.

200.–

environ: une licence de Dragon Naturally Speaking 13 Premium, n’incluant donc pas le dictionnaire médical.