L’essentiel en bref :

En Suisse, les médecins sont tenus de respecter le principe d’économicité des prestations. Les honoraires d’un médecin peuvent être contrôlés par l’assurance maladie au moment où celle-ci reçoit une facture ou a posteriori en comparant les coûts moyens du praticien concerné avec ceux d’un groupe de médecins travaillant dans des conditions semblables (spécialité, zone géographique, type de clientèle). Cette méthode de contrôle est dite «méthode statistique» ou de «screening» des médecins. Lorsque des différences de coûts importantes apparaissent et que le médecin ne parvient pas à les justifier, celui-ci peut se voir refuser la rémunération de prestations effectuées voire, dans certains cas, être contraint de restituer aux assureurs les sommes encaissées à tort.

Le contrôle du respect du principe d’économicité par un médecin intervient essentiellement de deux façons: soit en amont, par le contrôle exercé par l’assureur au moment où il reçoit une facture; soit a posteriori, par l’utilisation d’une méthode consistant à comparer les coûts moyens causés par la pratique du médecin concerné avec les coûts causés par la pratique d’un groupe de comparaison composé d’autres médecins travaillant dans des conditions semblables. Cette seconde méthode vise à détecter les cas de polypragmasie, c’est-à-dire, selon la définition que donnent les tribunaux de ce terme, les cas dans lesquels un médecin remet à une caisse maladie un nombre considérable de notes d’honoraires qui sont en moyenne sensiblement plus élevées que celles d’autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblables, alors qu’aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coût. Si un cas de polypragmasie est identifié au moyen de cette méthode de contrôle (dite «méthode statistique» ou de «screening» des médecins), l’occasion est en principe donnée au médecin de justifier sa pratique plus coûteuse que celle de ses confrères. S’ils ne sont pas convaincus par les explications du médecin, les assureurs qui ont remboursé des prestations peuvent lui réclamer la restitution des sommes encaissées à tort, soit – pour dire les choses simplement – la différence entre le montant total des sommes encaissées et la moyenne des sommes encaissées par les médecins du groupe de comparaison.

Une jurisprudence qui évolue

Les tribunaux suisses admettent depuis longtemps le recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné. Le Tribunal fédéral des assurances (qui a été intégré au Tribunal fédéral en 2007) avait, en 1969 déjà, admis la valeur probante des statistiques comparatives en tant que preuve d’une situation de polypragmasie. Cette jurisprudence a été confirmée au fil des années dans de nombreuses décisions, et continue d’être appliquée aujourd’hui.

Ces dix dernières années, certaines évolutions de la jurisprudence ont toutefois permis de renforcer les droits des médecins visés par ce type de procédures et de corriger des pratiques qui n’étaient pas justifiables. En particulier, la jurisprudence admet aujourd’hui que le médecin visé par une demande en restitution a le droit d’obtenir des assureurs la liste nominative des médecins qui constituent son groupe de comparaison ainsi que leurs statistiques anonymisées, de façon à lui permettre de déterminer si les praticiens avec qui ses coûts sont comparés ont, précisément, une pratique comparable à la sienne. Bien que cela paraisse un droit élémentaire, ce n’est qu’en 2010 que le Tribunal fédéral l’a entériné. De même, il aura fallu attendre 2011 pour que le Tribunal fédéral corrige une jurisprudence antérieure pour le moins critiquable, et confirme que l’obligation de restitution ne peut englober que les coûts directement liés à la pratique du médecin (à l’exclusion des coûts dits «indirects»).

Sur le principe cependant, le Tribunal fédéral a réaffirmé encore récemment que le recours à la méthode statistique pour prouver le bien-fondé d’une demande de restitution demeure admissible, malgré les critiques fréquentes et virulentes contre le schématisme inhérent à l’usage de cette méthode. Face à des chiffres «hors normes» avancés par les assureurs, le médecin visé est réduit à devoir justifier l’écart de coûts par rapport à ses confrères en se prévalant des spécificités de sa pratique, ce qui peut parfois s’avérer difficile. S’il échoue à apporter cette preuve, il risque de voir la demande en restitution des assureurs admise.

Ainsi, chaque année, un nombre non négligeable de médecins sont condamnés par les tribunaux à restituer aux assureurs maladie des montants parfois considérables sur la (seule) base des statistiques utilisées par santésuisse.