« Il n’y a pas de loi nationale sur la télémédecine. La réglementation relève de la souveraineté cantonale et est donc réglementée de manière différente dans les lois cantonales sur la santé », déclare la Dre Yvonne Gilli, membre du Comité central de la Fédération des médecins suisses (FMH). De ce fait, le médecin intéressé à proposer des téléconsultations à ses patients doit se référer aux règles ordinairement applicables à l’activité médicale (LPMéd) et à la Loi fédérale sur la protection des données (LPD).

« Dans le cadre d’une téléconsultation, les obligations du médecin sont les mêmes que lors d’un rendez-vous en cabinet : il doit agir avec diligence, informer le patient de manière adéquate et respecter son devoir de confidentialité, explique Me Sabrina Burgat, chercheuse à l’Institut de droit de la santé de l’Université de Neuchâtel. En cas de violation de l’une de ces trois obligations, sa responsabilité
civile ou éventuellement pénale est engagée. » Le médecin doit donc, en premier lieu, livrer toutes les informations utiles pour que le patient puisse donner son consentement éclairé. Cette information inclut le diagnostic, le pronostic, le ou les traitements possibles, les risques, etc. La nature et la fiabilité du diagnostic, ainsi que l’éventuelle nécessité d’une consultation dite présentielle chez un confrère ou dans un service d’urgence, revêtent une importance particulière, car le patient doit être en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause.

En cas de mauvaise appréciation d’une situation, la responsabilité du médecin peut être engagée. «Lors d’une téléconsultation, il n’est pas toujours possible d’évaluer correctement l’état du patient. Il y a plusieurs raisons à cela. Les possibilités d’examen sont limitées et une téléconsultation ponctuelle, même bien structurée, ne remplace pas une relation de confiance», relève la Dre Gilli. En 1990, le Tribunal fédéral, qui avait eu à se prononcer sur une information erronée donnée téléphoniquement par une assistante médicale à la mère d’un jeune enfant, avait estimé que la responsabilité du médecin était, en l’occurrence, engagée (arrêt 116 II 519). D’après les juges, le diagnostic et le traitement via téléphone «doivent en principe être soumis aux mêmes exigences que le devoir de diligence du médecin lors d’une prise de contact personnelle». Peu importe que les indications erronées soient prononcées par un assistant: en vertu de l’article 101 du Code des obligations, le comportement de celui-ci est à mettre au compte du maître de l’affaire.
Par ailleurs, le patient a le droit de connaître l’identité et les qualifications de son interlocuteur, qu’il s’agisse du médecin lui-même, d’un assistant ou d’un autre intervenant. Plusieurs acteurs sont susceptibles d’être juridiquement impliqués : le médecin qui est en contact direct avec le patient, bien sûr, mais aussi le confrère éventuellement sollicité pour apporter son expertise en vue d’améliorer la prise en charge du patient, par exemple.

Enfin, la téléconsultation doit être sécurisée contre les risques de piratage, de vol ou de destruction des données. Le médecin veillera donc à utiliser des programmes fournissant un niveau de sécurité adéquat, notamment en matière de cryptage. S’il ne prend pas cette précaution, il risque de prêter le flanc à une accusation de violation du secret médical. À noter toutefois que dans la pratique, la protection garantie par les logiciels de gestion de cabinet s’avère supérieure à celle des archives papier, grâce aux codes de verrouillage de l’accès au dossier (et ce même si un vol de données concerne potentiellement un plus grand nombre de patients).

 

Quid de la facturation ?

Le tarif Tarmed ne prévoit pas de position spécifique pour facturer ce type de prestations – ce qui n’incite pas les médecins à les proposer. « La situation tarifaire n’a pas été résolue », confirme la Dre Gilli. Et de préciser : « Une activité purement télémédicale nécessite une licence, qui est gérée de manière restrictive dans certains cantons. » Les prestations de télémédecine sont donc tout à fait possibles en Suisse, mais la marge d’interprétation des bases légales cantonales n’est pas négligeable. En fait, celles-ci varient passablement d’un canton à l’autre et sont, d’une manière générale, en décalage avec la réalité du terrain. Certains cantons, comme Bâle-Campagne et Zurich, vont jusqu’à interdire la prise en charge de patients exclusivement via la télémédecine, ou la soumettent expressément à une autorisation. Paradoxalement, la consultation médicale à distance – que ce soit par
téléphone, vidéo, e-mail ou messagerie instantanée – est largement plébiscitée par le public. 
Plus de 13 % des assurés suisses ont choisi un assureur-maladie lié à une centrale de télémédecine comme Medgate ou Medi24.